L’aménagement hydroélectrique de Mekin est un complexe de grande envergure pensé et initié par le Président de la République Chef de l’Etat dans le souci de résoudre l’épineux problème de l’offre en énergie électrique au Cameroun, au même titre que les aménagements de Memve’ele, Nachtigal et Lom Pangar. La Centrale de Mekin a la particularité de par sa position géographique, d’alimenter la partie australe du réseau électrique qui dessert le département de Dja et Lobo en mode séparé, mais fonctionne également en mode interconnecté pour contribuer à l’équilibre offre-demande du secteur de l’électricité au Cameroun. Le comité éditorial a tenu à s’enquérir des exploits déjà réalisé, dans une interview accordé au Directeur Technique de la société MEKIN HYDROELECTRIC DEVELOPMENT CORPORATION (HYDRO-MEKIN), Néhémie BUMSONG BELL. Il en ressort que depuis 2015, année de mise en service du premier groupe turbine alternateur, la centrale de Mekin a déjà injecté plus de 33 giga watt heure d’Energie électrique dans le réseau du Concessionnaire du Réseau de Distribution ENEO (Distributeur) contre de 63 giga watt heure prévisionnels par an. Un taux faible mais compréhensible car la centrale fonctionne toujours en mode d’essais, HYDRO-MEKIN restant dans l’attente des instruments juridiques de concession de production et de licence de vente grâce auxquels cette société pourra signer des contrats d’achat d’électricité avec les grands comptes et le Distributeur. Ces contrats étant par principe équilibrés, les obligations de sécurisation et de disponibilité des infrastructures des parties doivent être respectées par celles-ci, à savoir par exemple qu’autant la centrale de Mekin aura l’obligation de garantir un productible donné, autant le Distributeur aura l’obligation de garantir fluidité et la disponibilité en temps réel de son réseau de distribution pour minimiser les défauts issus de ce dernier pouvant impacter négativement sur les installations de production du Producteur. Dans le cas où ces obligations sont respectées, l’offre énergétique sera forcément augmentée pour le grand bien des consommateurs.
Monsieur le Directeur, il y a eu un incident dans la centrale, on nous parle d’inondation, alors quelles sont les origines de cet incident ? Que s’est-il passé ?
Le 15 septembre 2024 aux environs de 22h50, le personnel exploitant en service à la centrale de Mekin a mis au fait la Direction Générale de HYDRO-MEKIN d’un début d’inondation de la chambre basse de ladite centrale. Quand on dit inondation ici cela veut dire que les dispositifs de pompage des eaux d’infiltration et de fuites techniques n’ont pas fonctionné correctement ou n’ont pas été mis en marche à temps pour éviter le pire. C’est ici le lieu de rappeler que les capacités de pompages installées à la centrale de Mekin étaient au moment de l’incident de 96m3/h pour le système de pompage automatique et 360m3/h pour le système de pompage manuel. L’analyse des causes profondes après maîtrise de l’inondation a fait ressortir que le débit entrant des eaux dans le puisard était de 48m3/h, ce qui montre qu’en exploitation normale de l’installation de production de Mekin, aucune inondation n’était possible. Il a été constaté que le système de pompage automatique constitué de deux lignes d’évacuation des eaux d’infiltration et de fuites techniques avait un dysfonctionnement sur sa deuxième ligne de 30m3/h, ce qui conduisait à un remplissage rapide du puisard. Grâce à la sécurité n-4 installée sur le système de pompage des eaux d’infiltration et de fuites techniques de la centrale de Mekin, il y avait lieu pour l’Exploitant de s’assurer de l’évacuation du trop-plein du puisard à partir des pompes de maintenance de 360m3/h. Malheureusement cette sécurité n’a pas été activée à temps, entrainant la situation d’inondation déplorable expérimentée.
Quelles sont les mesures mises sur pied afin d’éviter ce genre d’incident ?
Comme nous avons relevé que c’est une forme de négligence du personnel exploitant qui est à l’origine de cette inondation, il y a cinq mesures qui ont été prises par le Top Management de HYDRO-MEKIN, à savoir :
– Premièrement : améliorer la sécurisation de la chambre basse de la centrale de Mekin ;
– Deuxièmement : renforcer la présence du Top Management dans l’aménagement hydroélectrique de Mekin à une fréquence hebdomadaire ;
– Troisièmement : renforcer les capacités techniques des personnels exploitants nouvellement recrutés par des formations sur le tas dans le cadre de l’exécution des contrats de maintenance par le Constructeur de l’aménagement hydroélectrique de Mekin ; c’est le lieu de rappeler ici que la quasi-totalité des personnels recrutés en 2017 et formés à l’exploitation et la maintenance de niveau 4 de l’aménagement hydroélectrique de Mekin ont démissionnés à partir de 2022 et ont été remplacés avec le haut accord du Conseil d’administration de HYDRO-MEKIN par des personnels jeunes et motivés, lesquels doivent cependant être formés pour la prise en main efficiente de l’installation de production de Mekin.
– quatrièmement : exécuter les mesures disciplinaires et renforcer la discipline au sein de l’aménagement hydroélectrique de Mekin ;
– cinquièmement : améliorer les conditions de travail et de vie des personnels techniciens en service dans ledit aménagement.
Voilà résumé les premières mesures prises par le top management pour éviter ce genre d’incident dans l’avenir.
Monsieur le Directeur Technique, entrons à présent dans un volet plus technique. Je voudrai qu’on embraille sur la production de l’énergie électrique. Comment se passe la production hydro électrique ?
Comme dans tous les aménagements hydroélectriques du monde, la production d’électricité découle d’un processus de transformation d’énergie en quatre temps notamment :
1) la fonction première du barrage qui est une des composantes d’un aménagement hydroélectrique est de créer une retenue d’eau à partir d’un cours d’eau. Ce stockage de l’eau crée une énergie potentielle de pesanteur ; c’est la première étape ;
2) Cette énergie potentielle de pesanteur est transformée en énergie cinétique par le mouvement de l’eau dans une conduite pour le canal d’amenée ; c’est la 2e étape ;
3) Une fois admise en chambre de turbinage, l’eau en mouvement fait tourner la turbine et l’énergie cinétique est ainsi transformée en énergie mécanique de rotation ; c’est la 3e étape ;
4) l’arbre de la turbine étant accouplée à l’arbre du rotor de l’alternateur, l’énergie mécanique de rotation de la turbine est transmise au rotor qui tourne dans un champ magnétique ; le mouvement de rotation du rotor dans le champ magnétique crée une induction électromagnétique au niveau du stator de l’alternateur où une tension est produite ; c’est la 4e et dernière étape. On a ainsi produit de l’électricité, à savoir une tension à une fréquence donnée. Il reste à alimenter une charge pour parler d’énergie électrique.
Pour ce qui est de la centrale hydroélectrique de Mekin, d’une capacité installée de 15MW, la tension produite aux bornes des trois alternateurs des trois groupes turbines alternateurs de 5MW chacun est de 6,3kV à une fréquence de 50Hz.
Voilà, Monsieur le Directeur, nous voulons savoir si HYDRO-MEKIN a déjà produit l’Energie électrique dont nous parlons et conformément au cahier de charge gouvernemental et comment se passe la distribution dans les ménages ?
En effet nous avons déjà eu à produire de l’énergie électrique ; la première turbine a été mise en service en 2015 après avoir passé des tests concluants. En 2017, les mêmes essais ont été réalisés sur les trois groupes turbines – alternateurs 1, 2 et 3 : essais à vide et à charge ; tests de rejet de charge, marche semi-industrielle c’est-à-dire qu’on couple les groupes et on les fait tourner à capacité nominale en continue pendant une durée de 72 heures. Si la production est maintenue pendant les 72 heures sans défaut interne sur le groupe ou ses systèmes auxiliaires, on peut procéder à la réception technique et provisoire du groupe. Toutes ces étapes ont été franchies pour les trois groupes et le 19 juillet 2017 on a procédé à la réception technique de tout l’aménagement hydroélectrique de Mekin. Ce qui voulait dire à ce moment-là que toutes les composantes du projet d’aménagement hydroélectrique de Mekin étaient techniquement en bon état de marche, à savoir : les digues principale et secondaire, le barrage-poids, l’usine de pied, le poste élévateur 6,3/30/90kV de Mekin, la ligne 110kV (kiloVolts) qui va de Mekin a Ndjom – Yekombo, et le poste d’interconnexion 110/30kV de Ndjom – Yekombo. En juillet 2022 12MW (MégaWatts) de capacité sur les 15 installées ont été évacués sur le Réseau Interconnecté Sud en 30kV ; la limitation à 12MW était due à la capacité de transit du tronçon de ligne de distribution entre Ndjom – Yekombo et le Carrefour Nkpwang limitée à 11,2 MW en 30kV du fait de la section de ses conducteurs de phase de 93 millimètres carrés. Grâce aux compteurs commerciaux installés tant à la centrale de Mekin qu’au poste de Ndjom Yekombo, la production d’énergie électrique en provenance de la centrale de Mekin est aujourd’hui estimée à près de 33 gigawatts heures consommées par les services administratifs, les ménages, les industries et les commerces de la partie australe du Réseau de distribution de ENEO ; toutes ces consommations d’énergie électrique produite par la centrale de Mekin ont été facturées par le Distributeur.
Qu’est ce qui explique la lenteur dans la production de l’énergie au sein du barrage dont vous assurez la direction technique ?
Il faut dire que 33 gigawatts heures depuis la mise en service du premier groupe turbine alternateur c’est très insignifiant par rapport à une production estimée à 63GWh par an.
Il y a deux raisons fondamentales à la lenteur dont vous parlez :
– la première est liée à un grand nombre de déclenchements intempestifs des départs du réseau électrique 30kV du Distributeur raccordés à la centrale de Mekin à travers le poste d’interconnexion 110/30kV de Ndjom Yekombo. Ces déclenchements qui pour la plus part visent à protéger les personnels et les biens contre les risques d’électrocution ou d’électrisation ou de dégâts sur les équipements des consommateurs, sont dus aux défauts sur les lignes de distribution 30kV qui doivent être entretenus permanemment ; ces déclenchements sont dommageables pour les groupes turbines alternateurs de production d’électricité de la centrale de Mekin. Raison pour laquelle le Top Management de HYDRO-MEKIN a décidé de circonscrire l’évacuation du productible de la centrale de Mekin sur Meyomessala et ses environs d’où nous observons un nombre de déclenchements relativement faible, et ce en attendant la maintenance générale par le Distributeur de tout le réseau de distribution concerné, à savoir la dorsale principale D34 Mbalmayo et toutes ses dérivations monophasées et triphasées. Dans le cadre de notre participation aux ateliers tarifaires dirigées par l’AZRSEL, il nous a été donné de constater que ladite maintenance fait partie intégrante des prestations du cahier des charges du Distributeur. Une fois que cette maintenance sera réalisée, nous mettrons à contribution constante les autres groupes turbines alternateurs de la centrale de Mekin.
– La deuxième raison et pas des moindres est l’absence d’instruments juridiques de concession de production et de licence de vente. Si nous disposons des instruments juridiques, nous pouvons signer des contrats d’achat d’électricité avec les grands comptes et avec le Distributeur. Comme je l’ai dit plus haut, ces contrats sont équilibrés, c’est-à-dire qu’autant vous voulez l’énergie électrique en quantité et en qualité, autant le réseau dans lequel vous voulez que cette énergie passe doit être propre ; donc ça va imposer au Distributeur ou au grand compte que son réseau de distribution soit propre parce qu’en cas de défaillance de son réseau de distribution, le Distributeur ou le grand compte sera obligé de payer la facturation de la part fixe du contrat liée à la disponibilité de la centrale de Mekin alors qu’il ne pourra pas facturer ou bénéficier de l’énergie qu’aurait consommée ses Clients, ce qui lui sera doublement dommageable. Pour sa part, HYDRO-MEKIN sera obligé de réaliser selon les l’exploitation et la maintenance de ses ouvrages pour garantir un productible disponible conformément aux stipulations du contrat d’achat d’électricité ; à défaut, nous serons sujets à des pénalités, ce qui nous sera également dommageable. Vous comprenez donc que si les contrats d’achat d’électricité sont signés, lesquels sont tributaires de l’octroi des instruments juridiques à HYDRO-MEKIN, chaque partie devra remplir ses obligations pour son propre et celui des consommateurs finaux.
Quelles relations existent-ils entre le distributeur Eneo et vous qui êtes l’un des producteurs d’énergie ?
Nos relations avec le Distributeur ENEO sont bonnes. En effet le Distributeur a été pour beaucoup dans la réception technique de l’aménagement hydroélectrique de Mekin, ayant apporté son savoir-faire tant sur l’amélioration du choix de certains équipements de la ligne 110kV Mekin – Ndjom Yekombo que sur l’appropriation des activités et consignes d’exploitation des postes, mais aussi sur le réglage des protections, avec l’assistance technique soutenue de SONATREL. Cependant des améliorations restent à faire notamment sur la maintenance de son réseau de distribution pour permettre une meilleure participation de la centrale de Mekin dans l’équilibre offre-demande du secteur de l’électricité. Par ailleurs, il se trouve que depuis que nous injectons l’énergie électrique sur le réseau 30kV du Distributeur, je vous ai parlé de près de 33 gigawatts heure depuis 2015, bien que nous entretenons de bonnes relations de partenariat technique, nous n’avons encore reçu aucun revenu en rapport avec cette injection pour la simple raison que pour le Distributeur, la base juridique de paiement n’est pas encore établie, à savoir le contrat d’achat d’électricité, lui-même qui dépend de la concession de production d’électricité attendue par HYDRO-MEKIN. Nous sommes cependant confiants que dans le cadre de l’application de certains principes du droit des affaires, nous trouverons un terrain d’entente avec ENEO pour que les factures relatives à la fourniture d’énergie électrique soient payées. Maintenant pour la survie de notre société sans contrat de concession, nous recevons un grand appui de notre tutelle financière pour couvrir nos charges d’exploitation et de maintenance, nos charges fonctionnement, ainsi que certaines charges d’investissement qui permettront d’augmenter le facteur de charge de la centrale de Mekin autour de 50%. Grâce à ces appuis on pourra dans les prochains mois alimenter plusieurs autres localités, à condition que leurs réseaux de distribution soient réhabilités et permanemment entretenus par le Distributeur. Donc pour répondre à la question sur comment nous faisons pour joindre les deux bouts, voila ce que je peux vous dire. En quelques mots les appuis exceptionnels de nos tutelles technique et financière, nous pourrons dans les prochains avoir des revenus notamment des grands comptes avec lesquels les négociations en vue de la signature des contrats d’achats d’électricité sont bien avancées.
Monsieur le Directeur sortant par-là, qu’est ce qui peut expliquer les délestages permanents et réguliers dont nous souffrons au sein de nos administrations ou alors les ménages qui sont situes sur la ligne de distribution malgré les efforts que vous faites pour injecter l’énergie sur le réseau de distribution d’Eneo ?
Nous allons vous dire que pour le moment nous n’avons pas licence pour distribuer l’énergie électrique. Elle est distribuée par le concessionnaire du réseau de distribution exclusif du moment qui est ENEO. Nous produisons comme toutes les autres centrales, nous transférons notre électricité jusqu’qu’au poste de Ndjom Yekombo à partir duquel on se connecte au réseau de distribution 30kV de ENEO. C’est là que nous nous arrêtons. Pour ce qui est des délestages, ça peut provenir de plusieurs facteurs :
– l’offre est inférieure à la demande, ce qui peut donner lieu à des rationnements en électricité. On a un incident en ce moment qui a conduit à l’arrêt de la production d’électricité ; ce qui fait que la demande généralement couverte par notre offre doit être satisfait par d’autres sources de production.
– l’offre est égale ou supérieure à la demande mais ne peut acheminée de manière satisfaisante à cause de la qualité des réseaux de transport et de distribution. Si le réseau de distribution a des problèmes mécaniques (poteaux bois pourris ou brûlés, les traverses brulées ou cassées, les isolateurs cassés ou volés, les flèches mal réglées, un corridor envahis par la végétation etc., il y aura beaucoup de déclenchements et donc une fourniture interrompue d’électricité. D’autres problèmes techniques ou des incidents sur le réseau de transport ou de distribution peut entrainer des délestages dans certaines localités ;
– Les surcharges des transformateurs à cause de la démographie, certains équipements comme les transformateurs du réseau de transport ou de distribution peuvent être surchargés et entrainer les défaillances d’équipements qui donneront lieu à des délestages ;
– les travaux de maintenance planifiés pour améliorer la qualité de service peuvent donner lieu à des délestages ; etc.
Dans tous les cas de figure, les producteurs et gestionnaires des réseaux de transport et de distribution prennent des mesures pour minimiser les délestages.
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